Néo-impressionnisme

Le Néo-impressionnisme apparaît en 1885. Ce courant pose d'importantes questions, déjà soulevées par l'Impressionnisme : la question de la couleur et des contrastes simultanés. Poussant plus loin les propos de l'Impressionnisme, les artistes emmenés renouvèlent ainsi l'approche et les théories de l'Impressionnisme, ouvrant l'oeil sur le Pointillisme et le Divisionnisme. Séduit par cette nouvelle technique Camille Pissarro assure la défense de cette nouvelle génération d'artistes et leur ouvre les portes de la huitième exposition des peintres impressionnistes. Ce sera alors l'occasion pour Georges Seurat de présenter Un dimanche après-midi à l'île de la Grande Jatte, tableau qui devient un emblème et un manifeste pour tout le Néo-Impressionnisme, complété par un texte de Félix Fénéon.
Principales expositions

Huitième exposition impressionniste, Maison Dorée, 1 rue Laffitte, Paris, du 15 mai au 15 juin 1886.

Textes fondateurs
Les Impressionnistes en 1886 par Félix Fénéon

PARIS
PUBLICATION DE LA VOGUE
1886

VIIIe EXPOSITION IMPRESSIONNISTE
DU 15 MAI AU 15 JUIN 1886, RUE LAFFITTE, 1

Durant la période héroïque de l'Impressionnisme, la foule vit toujours au premier plan, provoquant les colères, forçant l'entrée des Salons annuels, Edouard Manet, enthousiaste, élastique et théâtral ; mais, au vrai, la mutation dernière qui fit du bitumer du Bon-Bock le luministe du Linge et du Père Lathuille s'accomplit sous l'influence de Camille Pissarro, de Degas, de Renoir et surtout de Claude Monett : ceux-ci furent les chefs de la révolution dont il fut le héraut.
MM. Renoir et Monet ne sont pas rue Laffitte, non plus que MM. Raffaëlli, Cézanne, Sisley et Caillebotte.
Malgré ses lacunes, la nouvelle exposition est explicite : M. Degas y figure avec des envois caractéristiques ; Madame Morisot et MM. Gauguin et Guillaumin y représentent l'Impressionnisme tel qu'il s'était traduit aux expositions antérieures ; MM. Pissarro, Seurat et Signac innovent.


I

De MM. Degas. Des femmes emplissent de leur accroupissement cucurbitine la coque des tubs : l'une le menton à la poitrine, se râpe la nuque, l'autre, en une torsion qui la fait virante, le bras collé au dos, d'une éponge qui mousse se travaille les régions coccygiennes. Une anguleuse échine se tend , des avant-bras, dégageant des seins en vigouleuses, plongent verticalement entre des jambes pour mouiller une débarbouilloire dans l'eau d'un tub où des pieds trempent. S'abattent une chevelure sur des épaules, un buste sur des hanches, un ventre sur des cuisses, des membres sur leurs jointures, et cette maritorne, vue du plafond, debout devant son lit, mais plaquée aux fesses, semble une série de cylindres, renflés un peu, qui s'emboîtent. De front, agenouillée, les cuisses disjointes, la tête inclinée sur la flaccidité du torse, une fille

s'essuie. Et c'est dans d'obscures chambres d'hôtels meublé, dans d'étroits réduits que ces corps aux riches patines, ces corps talés par les noces, les couches et les maladies, se décortiquent ou s'étirent.

Mais voici du plein air. Une baigneuse de rivière, dans des verdures, remet sa chemise qui plane, ballonnante sur des bras s'arquant haut. Trois villageoises, bestiales et bien découplées, entrent dans une rivière, et, le dos courbé, bombant l'énormité de croupes où le soleil s'écrase, ramant l'air de leurs bras  simiesquement demi-tendus, s'avancent vers la grande eau, à laborieux pas ; sur leurs mollets un chien loup halète.

Dans l'oeuvre de M. Degas, - et de quel autre ? - les peaux humaines vivent d'une vie expressive. Les lignes de ce cruel et sagace observateur élucident, à travers les difficultés de raccourcis follement elliptiques, la mécanique de tous les mouvements ; d'un être qui bouge, elles n'enregistrent pas seulement le geste essentiel mais ses plus minimes et lointaine répercussions myologiques: d'où cette définitive unité du dessin. Art de réalisme et qui cependant ne procède pas d'une vision directe : - dès qu'un être se sait observé, il perd sa naïve spontanéité de fonctionnement ; M. Degas ne copie donc pas d'après nature : il accumule sur un même sujet une multitude de croquis, où son oeuvre puisera une véracité irréfragable ; jamais tableaux n'ont moins évoqué la pénible image du "modèle" qui "pose".


Sa couleur est d'une artificieuse et personnelle maîtrise : il l'extériorisa sur la bariolure turbulente des jockeys, sur les rubans et les lèvres des ballerines ; aujourd'hui il manifeste par des effets étouffés et comme latents, dont le prétexte est pris au roux d'une tignasse, aux plis violâtres d'un linge mouillé, au rose d'une mante pendue, aux irisations acrobatiques roulant au cirque d'une cuvette.
Par deux numéros de modistes au magasin et par un portrait du nature-mortiste Zakarian se complète ce lot, tout entier exécuté au pastel.

Mais, suivant ses us, c'est sous conditions que M. Edgar Degas daigne exposer. Aussi, faut-il revoir la bande trop fidèle des comparses : M. Charles Tillot truelle avec un entêtement sombre des pivoines, des chrysanthèmes, des femmes nues et des anémones ; M. Henri Rouart, accroche trente échantillons de ses aquarelles pénitentiaires ; Madame Marie Bracquemond, pignoche ses imagettes, et M. Paul-Victor Vignon, toujours dispos, empile rochers, arbres et maisons en des ensembles invariables et ternes. Pour clore la liste : la comtesse de Rambure dont le catalogue n'a pas osé mentionner les envois, et M. Emile Schuffenecker , consciencieux, mais encore inexpert.

En ses quatre peintures et ses huit pastels, M. Federico Zandomeneghi trahit son origine vénitienne. - Thèmes.

C'est, vue de dos et en une projection presque verticale, une femme assise sur des blancs tapis d'ours, devant du coke, nue, genoux levés et bras y glissant : à gauche un compliqué et rythmique tracé où se conjuguent étroitement à celles de la jambe et du pied les sinuosités de l'aisselle, du sein et de la hanche ; à droite une ligne, seule, rapide et pure, raccordant la croupe à l'épaule pour se perdre dans une chevelure dont le fauve s'associe au vert aigu de la babouche. Ou : la chemise arrêtée à la ceinture, penchée sur une cuvette aux lacis bleus, elle lave, lente, ses seins. Autre : abattue sur des oreillers, paumes jointes au-dessus des cheveux, elle singe ses courbes dorsales sur une tenture que verts, rouges et jaunes cinglent. Assise au bord d'une chaise en une position demi-volte, une appuie son menton à ses mains croisées sur le dossier et, prête à des gymnastiques imminentes, songe - En des chambres de lumière, ces corps féminins se modèlent, jamais meurtris, jamais lassés, mais jeunes et fermes trop, certes, pour mêler de bien personnels fleurs à ceux des fioles ; ce mince linge se plisse en de délicats et lucides verts bleus, se colle, roseurs alors violacées si peu, sur des chairs lubréfiées. Des intentions littéraires, peut-être et fâcheusement, dans tel jeu des visages, dans l'ordonnance de cet intérieur où s'abandonne une musicienne en légère robe à pois. Une indifférence à figurer le travail des couleurs ambiantes sur le ton de ses personnages, - cette femme au brasier si anormalement in

demne de toute atteinte de lumière focale -, ou, du moins, une notation incomplète des réactions chromatiques, - cette tablée de restaurant de nuit. Oeuvres d'une élégance sans imprévu et d'un aspect parfois saponacé, mais que leurs recherches linéaires rendent intéressantes.

L'exposition de M. Jean-Louis Forain peine. Cet homme, qui strapassonnait de façon si aigüe et nerveuse la vie au gaz, coulisses, lupanars, s'amadoue, se met à la portée de toutes les bienveillances ; l'année dernière il fonctionnait au Salon de l'Industrie ; il réintégrera cet asile, et ses oeuvres voisineront avec celles de MM. Gervex et Béraud. Voici cependant un Forain d'autrefois : une quadragénaire en lourde robe rouge verse un flux de paroles sur le sommet du triangle dans lequel s'inscrit sa fille à la glauque robe de tulle.

Mademoiselle Mary Cassatt, une Américaine, élève de M. Degas, monte des enfants et des jeunes filles, fermées d'études, d'un tracé distingué et savant, d'un coloris un peu dur, sans recherches bien passionnantes.

De M. Odilon Redon s'appendent au galandage d'un couloir une quinzaine de dessins, mal choisis mais qui, nonobstant, angoissent les âmes mal préparées.

II

MM. GAUGUIN ET GUILLLAUMIN. - MADAME BERTHE MORISOT. - M. DAVID ESTOPPEY.

Les tons de M. Paul Gauguin sont très peu distants les uns des autres : de là, en ses tableaux, cette harmonie sourde. Des arbres denses jaillissent de terrains gras, plantureux et humides, envahissent le cadre, proscrivent le ciel. Un air lourd. Des briques entrevues indiquent une maison proche ; des robes gisent, des mufles écartent des fourrés, - vaches. Ces roux de toitures et de bêtes, ce peintre les opposent constamment à ses vers, et les double dans des eaux coulantes entre les fûts et encombrées d'herbes longues. De lui encore, des plages normandes, des falaises, une nature-morte, et, enfin, une sculpture sur bois datée de 1882.

En 1881, M. Gauguin, en même temps que M. Degas sa Petite Danseuse de cire, présentait une figure en bois colorié (Dame en promenade) et un

médaillon (la Chanteuse) ; cette année, sur du poirier que nous avons le regret de voir monochrome, sa femme nue s'enlève en demi-relief, la main aux cheveux, assise rectangulairement dans un paysage. Seul numéro de sculpture. Rien en bois colorié, en pâte de verre, en cire.

M. Armand Guillaumin. Des ciels immenses : des ciels surchauffés, où se bousculent des nuages dans la bataille des verts, des pourpres, des mauves et des jaunes ; d'autres, crépusculaires alors, où de l'horizon se lève l'énorme masse amorphe de nues basses que des vents obliques strient. Sous ces ciels lourdement somptueux, se bossuent, peintes par brutaux empâtements , des campagnes violettes alternant labours et pacages ; des arbres se crispent à des pentes fuyant vers des maisons qu'enceignent des potagers, vers des cours de fermes où se dressent les bras des charrettes. Implantés dans des prés herbus , des hommes, des femmes pêchent ; et, à l'ombre de fouillis fructescents, les moires de petite rivière s'amplifient en ellipses qu'emporte l'eau et renaissent. Parmi des arbres et des fleurs, sous des chapeaux de jardin, de mafflées gaillardes lisent, dorment, tassant leurs charnures dans les fauteuils d'osier. Et ce coloriste forcené, ce beau peintre de paysages gorgés de sèves et haletants, a restitué à toutes ses figures humaines une robuste et placide animalité.

Madame Berthe Morisot es tout élégance : facture large, claire, adresse claire, alerte ; un charme féminin sans aucune mièvrerie ; et, malgré unie allure d'Immersion, des valeurs d'une justesse rigoureuse. Ces jeunes filles dans l'herbe, au lever, à la coiffure (peintures) sont exquises ; et c'est une joie que ces expéditifs dessins et ces aquarelles véloces.

On put à cette exposition s'étonner de ne voir aucun pastel de M. David Estoppey. Paysages alpins, ; mastoïdes paysages de banlieue parisienne, sans les duretés graphiques de Raffaëlli, conduits, par des accords de gris, d'ocres, de verts de Hooker, jusqu'à des horizons que soulève la note rouge des toits ; des intérieurs de mouches, de tramways ; des tables de brasserie bordées de loquaces buveurs ; des portraits ; des vues de rues la nuit ; Parmi celles-ci : Boulevard des Capucines ; une devanture de fleuriste darde sa coupe dans les jupes joyeuses d'une fille et sur le garance d'un fusilier qui s'éloigne ; confusément, du fond éteint par le premier plan, arrivent des foules ; à droite, roule et bruit la chaussée dont l'obscur se crève des becs de l'autre trottoir, se lacère de filantes lumières ; une colonne Morris ; des branches dont les verts, dans la mêlée d'antagoniques éclairages, ralentis ; un peu du ciel nocturne. Mais, mieux, des intérieurs apaisés : cette chambre d'hôtel noyée de crépuscule ; de face et se découpant en noir sur le grand rectangle verdâtre de la fenêtre, une jeune femme en visite est assise au pied d'un lit qui s'estampe derrière le cadre abandonnant au premier plan le marbre d'une table de nuit où posent la potion de la malade et deux oranges. Un talent souple, un dessin expressif et décidé, des curiosités prêtes à s'orienter vers les plus diverses tentatives.

MM. CAMILLE PISSARRO, GEORGES SEURAT, PAUL SIGNAC, LUCIEN PISSARRO
Dès le début, les peintres impressionnistes, dans ce souci de la vérité qui les faisait se borner à l'interprétation de la vie moderne directement observée et du paysage directement peint, avaient vu les objets solidaires les uns des autres, sans autonomie chromatique, participant des moeurs lumineuses de leurs voisins ; la peinture traditionnelle les considérait comme idéalement isolés et les éclairait d'une jour artificiel et pauvre.
Ces réactions de couleurs, ces soudaines perceptions de complémentaires, cette vision japonaise ne pouvaient s'exprimer au moyen de ténébreuses sauces qui s'élaborent sur la palette : ces peintures firent donc des notations séparées, laissant les couleurs s'émouvoir, vibrer à de brusques contacts, et recomposer distance ; ils enveloppèrent leurs sujets de lumière et d'air, les modelant dans les tons lumineux, osant même sacrifier tout modelé ; du soleil enfin fut fixé sur leurs toiles.
On procédait donc par décomposition des couleurs ; mais cette décomposition s'effectuait d'une sorte arbitraire : telle traînée de pâte venait jeter à travers un paysage la sensation du rouge ; telles rutilances se hâchaient de vert. - MM. Georges Seurat, Camille et Lucien Pissarro, Dubois-Pillet, Paul Signac, eux, divisent le on d'une manière consciente et scientifique. Cette évolution se date 1884, 1885, 1886.
Si, dans la Grande-Jatte de M. Seurat, l'on considère, par exemple, un dm2 couvert d'un ton uniforme, on trouvera sur un chacun des centimètres de cette superficie, en une tourbillonnante cohue de menues macules, tous les éléments constitutifs du ton. Cette pelouse dans l'ombre : des touches, en majorité, donnent la valeur locale de l'herbe ; d'autres, orangées, se clairement, exprimant la peu sensible action solaire ; d'autres, de pourpre, font intervenir la complémentarité du vert ; un bleu cyané, provoqué par la proximité d'une nappe d'herbe au soleil, accumule ses criblures vers la ligne de démarcation et les raréfie progressivement en deçà. A la formation de cette nappe elle-même ne concourent que deux éléments, du vert, de l'orangé solaire, toute réaction mourant sous un si furieux assaut de lumière. Le noir étant non-lumière, ce chien noir se colorera des réactions de l'herbe ; sa dominante sera donc le pourpre foncé ; mais il sera attaqué aussi par un bleu foncé que suscitent les lumineuses régions voisines. Ce singe en laisse sera ponctué par un jaune, sa qualité personnelle, et moucheté de pourpre et d'outremer. 
Tout cela : trop évidemment, en cette écriture, - indications brutales ; mais, dans le cadre, - lisage complexe et délicat.

Ces couleurs, isolées sur la toile, se recomposent sur la rétine : on a donc non un mélange de couleurs-matières (pigments), mais un mélange de couleurs-lumières. Faut-il rappeler que, pour de mêmes couleurs, le mélange de pigments et le mélange des lumières ne fournissent pas nécessairement les mêmes résultats ? On sait aussi que la luminosité du mélange optique est toujours très supérieure à celle du mélange matériel, ainsi que l'exposent les nombreuses équations de luminosité établies par M. Rood. Pour du Carmin violet et du Bleu de Prusse d'où naît un gris bleu :

      50 C + 50 B             =     47 C + 49 B + 4 Noir
mélange des pigments.      mélange des lumières


Pour du  Carmin et du Vert :

50 C + 50 V = 50 C + 24 V + 26 Noir.

Efforcés vers l'expression des luminosités extrêmes, on conçoit donc que les Impressionnistes, - comme, parfois déjà, Delacroix,  - veuillent substituer au mélange sur la palette le mélange optique.

M. Georges Seurat, le premier, a présenté un paradigme complet et systématique de cette nouvelle peinture. Son immense tableau La Grande-Jatte, en quelque partie qu'on l'examine, s'étale monotone et patiente tavelure, tapisserie : ici, en effet la patte est inutile, le truquage impossible ; nulle place pour les morceaux de bravoure ; que la main soit gourde, mais que l'oeil soit agile, perspicace et savant ; sur une autruche, une botte de paille, une vague ou un roc la manoeuvre du pinceau reste la même. Et si peuvent soutenir les avantage de la "belle facture" sabrée est torchonnée pour le rendu, j'imagine, d'herbes rêches, de ramures mobiles, de pelages bourrus, du moins la "peinture au pointé s'imposte-t-elle pour l'exécution des surfaces lisses, et, notamment, du nu, à quoi on ne l'a pas encore appliquée. Le sujet : Parr un ciel caniculaire, l'île, de filantes barques au flanc, mouvante d'une dominicale et fortuite population en noir de grand air, parmi des arbres ; et ces quelque quarante personnages sont investis d'un dessin hiératique et sommaire, traités rigoureusement ou de dos ou de face ou de profil, assis à angle droit, allongés horizontalement, dressés rigides : comme d'un Puvis modernisant.

L'atmosphère est transparente, vibrante singulièrement ; la surface semble vaciller. Peut-être cette sensation, qu'on éprouve aussi devant tels autres tableaux de la même salle, s'expliquerait-elle par la théorie de Dove : la rétine, prévenue que des faisceaux lumineux distincts agissent sur elle, perçoit, par très rapides alternats, et les éléments colorés dissociés et leur résultante.

M. Paul Signac est séduit par des paysages suburbains. Celles de ses toiles qui datent de cette année, sont peintes par division du ton ; elles atteignent à une frénétique intensité de lumière : Les Gazomètres à Clichy (mars-avril 1886) et le Passage du Puits-Bertin à Clichy (mars-avril 1886), avec ses palissades où sèchent des pantalons de travail et des bourgerons, la désolation de ses murs écorchés, son herbe roussie et ses toits en incandescence dans une atmosphère qui s'affirme, se fonce en montant et se creuse en un gouffre d'aveuglant bleu ; dans l'Embranchement de Bois-Colombe (avril-mai 1886), les arbres grillent et se recroquevillent. Des mers bouillonnent sous des ciels flamboyants. Il sait aussi traduire la mélancolie des temps gris, emprisonner ses eaux dans des quais : et l'on a son Boulevard de Clichy par la neige et sa Berge à Asnières (novembre 1885).

Aux précédentes expositions, M. Camille Pissarro, triomphait avec ses potagers, sa Plaine du chou, sa Sente du chou, son Clos du chou, superbes paysages âprement et sûrement brossés. Transformant sa manière, il apporte au néo-impressionnisme sa mathématique rigueur d'analyse et l'autorité de son nom : désormais il décompose ses tons, systématiquement. Des paysages de soleil, des maisons blanches dans des vergers en fleurs, des plans qui fuient, des cultures coupées d'après grêles, un espace illimité, et, très haut, des nuages légers qui se pommèlent sur le bleu. De lui aussi de très beaux pastels, surtout linéaires, où s'étirent, s'habillent, gisent, mangent, peinent des campagnardes. Des gouaches. Des eaux-fortes reproduisant les rues et le port de Rouen.

A côté de M. Camille Pissarro, expose son fils Lucien. Ses aquarelles d'illustration sont savoureuses et fraîches, et il a gravé sur bois une série d'êtres ruraux, bêtes et gens, avec la simplicité exemplaire des primitifs xylographes.


 

Artistes associés

Charles Angrand, Henri Edmond Cross, Georges Seurat, Paul Signac.

Artistes à rapprocher

Camille Pissarro.

Courant, mouvement, lieu à rapprocher