Ecole de Nice

L’École de Nice n’est pas en soit un courant artistique. Elle fédère plutôt un ensemble d’artistes, unis par un espace géographique sur la base d’affinités électives, en « une vraie salade niçoise » qui se réunit dans les cafés : au Provence, au Biarritz, au Café de Turin ou au Félix-Faure. Né à la fin des années 50, défendu par Jacques Lepage et le galériste Alexandre de la Salle, le mouvement se situe à la croisée des chemins entre Nouveau Réalisme, Fluxus, Supports Surfaces et incarne bien les soubresauts artistiques nés en région dans le courant des années 60, capables de dépasser le centralisme parisien pour s’octroyer une reconnaissance internationale et faire face au géant américain. Le mouvement est officiellement dissout à Vence, après 50 ans d’existence le 4 décembre 2010 au musée Rétif, au cours de performances menées respectivement par Pierre Pinoncelli et Jean Mas.

Textes fondateurs
L'ECOLE DE NICE - LA NOUVELLE ECOLE NICOISE .

" La peinture à Nice aujourd'hui ? Ce fut, au début, une curieuse coexistence, en tous points semblable, d'ailleurs, à celle qu'on discernait dans l'ensemble du pays. D'un côté, les peintres qui enlèvent au couteau des voiliers roses dans la baie des Anges, les lavandières penchées sur les eaux du Paillon, les retours de pêche avec des paniers de rascasses. De l'autre, les peintres modernes les plus célèbres du monde et les plus scandaleux.Les premiers composaient cette peinture dont on se plaisait à dire qu'elle avait "l'accent", qu'elle sentait l'ail et l'huile d'olive, à l'intention de la clientèle qui venait chanter : "Sur les bord de la rivièra, où murmure une brise embaumée, toute femme voudrait là-bas, être belle et toujours adorée". Folklore, bataille de fleurs casino à minuit: Audiberti a merveilleusement décrit ce paradis est désormais la région de France la plus riche en fondations, musées, chapelles où les maîtres de la première moitié du XX°s ont démontré que leurs recherches, souvent qualifiées d'expérimentales, s'adaptaient fort bien aux exigences monumentales . Ainsi la Côte d'Azur est-elle assurée de toujours voir venir de longs pèlerinages de visiteurs .lais l'avenir? On sait que, chaque année, de nombreux peintres émigrent, comme un grand nombre de Français, sur les bords de cette mer tiède, vers le soleil. mais qui se satisferait de cet apport de l'été, si prestigieux soit-il? C'est donc avec plaisir qu'on a enregistré voici peu la naissance d'une Ecole de Nice, au moment où l'on apprenait qu'un des meilleurs écrivains débutants, J.M.G. Le Clezio, habitait lui aussi sous le même soleil. Cela a beaucoup fait pour la renommée de la ville. On n'y allait plus saluer d'illustres vieillards : on pouvait y rencontrer une jeunesse active .

 

La critique a multiplié ces procédés . De même qu'on ne se satisfait plus d'expliquer l'évolution d'une oeuvre par la vie privée de son auteur, de même ce n' est plus assez de reconnaître dans un tableau, une musique ou une sculpture des caractères français, allemand, voire lombards ou florentins, ou, pour la France, du midi, du Nord ou du Centre • Aussi semble-t-il aventureux de parler aujourd'hui d'écoles. locales ; il y a contre cela la vitesse de communication des artistes entre eux, le fait qu'une idée est à peine émise qu'elle suscite vingt échos à des milliers de kilomètres de son lieu de naissance. Cependant, si la géographie n'est plus la grande alliées de la critique, on ne se prive pas de faire remarquer certaines coïncidences ainsi on n'oublie pas le nombre de Normands qui participèrent à l'élaboration du cubisme : Braque, Fernand Loger, Jacques Villon, Raymond Duchamp • Sans aller cependant jusqu'à parier d'une Ecole du Hayre à laquelle il aurait fallu joindre Raoul Dufy et quelques autres .

Aussi inventer une école de Nice à propos de trois artistes, Yves Klein, Arman, Martial Raysse, est peut-être sacrifier à des habitudes désuètes de la critique. Cependant ces trois-là ont fait nombre dans le mouvement du nouveau réalisme qui publia son premier manifeste en 1960, au festival d'avant-Garde de Paris, et rassembla, autour du critique Pierre Restany, des artistes comme Tinguely, César, Raymond Hains , Ville glé, Dufrêne, Rotella, Spoerri et nos trois mousquetaires

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"Yves Klein (né à Nice en 1928, mort à Paris en 1962) fut certainement le grand initiateur du Nouveau Réalisme. Il a composé, en moins d'une dizaine d'années, une oeuvre très diverse et très riche : ses explorations le menèrent du vide (il parvenait à vendre des "zones de sensibilité picturale Immatérielle") et des éléments purs : bleu uniformément étendu ou l'or, à des créations tourmontées comme les panneaux où il traçait des formes qu'il souhaitait soit par l' intermédiaire de filles nues trempées dans la couleur dont il dirigeait les mouvements à distance, soit par le feu de puissants lance-flammes qu'il maniait lui-même. On connait encore les empreintes qu’il prit de jeunes corps féminins, les suaires de la jeunesse et de la vie, ses constructions de feu et d'eau qu'il projetait et jusqu'à sa conception du paradis terrestre dont il disait que les technique nouvelles le mettaient à notre portée. Klein n'était pas un moraliste : c'était le plus abstrait et le plus modernes des inventeurs d'aujourd'hui; les éléments de son oeuvre étaient le vent, le soleil, la pluie, le feu : il en captait la beauté sur quelques écrans, il voulait en déployer les forces dans le futur que sa mort a éloigné de nous.

 

"Aux côtés de ce pur, de ce plus abstrait qui avait un côté grand seigneur, opérant plus souvent par la pensée qu'avec ses doigts, les autres niçois du nouveau réalisme ont évidemment un peu une allure de bricoleurs. Ils sont devenus des artisans comme le furent tous les peintres de tous les temps ."

 

"Pourtant Arman (né à Nice en 1928 et habitant Nice) avait commencé ses recherches en prenant les empreintes d'objets encrés qu'il jetait sur la toile: leur passage à différents allures faisait le tableau . Puis il en vint à ses célèbres accumulations : des boîtes transparentes pleines d’ordures ou d'objets industriels (rasoirs, montres, boules d'escalier, dentiers, cendres, poupées).

 

Au vide de Klein, il opposait le plein; à l'absence, la quantité ; c'était une notion nouvelle .

Peu à peu, cependant, il en est arrivé au tableau : il y assemble des morceaux de violon brisé, des cafetières découpées, des statuettes tranchées, des cadrans de pendules : il s’épanouit visiblement dans ce travail patient.

 

Même évolution chez Martial Raysse (né en 1936 à Golfe Juan et résidant à Nice quand il ne se trouve pas aux Etats-Unis) qui a commencé sa carrière de peintre en apportant à la Biennale des Jeunes de Paris, tout cru, un présentoir d’objet de plage : c’était comment bronzer sans douleur emprunté à un magasin prix uniques. Il voulait ainsi dire : je trouve cela beau et je l’expose. L’artiste n’avait qu’à toucher du doigt un objet pour qu’il devienne une oeuvre d’Art. Son choix suffisait. Cependant, une fois qu’il eut exploré toutes les ressources des vitrine de vacances et des rayons de super-marchés, allant jusqu’à la reconstitution d’un magasin avec ses phoques-bouées, ses  fauteuils transatlantiques et ses belles filles en bikini ou en robe de plage (ça avait même une enseigne : La Raysse Beach), il a entrepris de modifier certaines images, certains objets reçus, par exemple des tableaux. Il a ajouté du néon à Cranach et à Ingres, fait des lèvres fluorescentes au visage d’un mannequin, il a sorti des tableaux ratés de leur cadre, bref, secoué son monde, avant d’arriver à faire des compositions nouvelles avec des tubes lumineux et montrer que les gens de la publicité ne savaient pas se servir des moyens dont ils disposent. Lui aussi, il a devant lui bien des domaines à exploiter.

 

Ces trois peintres, que doivent-ils à Nice ? On se souvient des rapports qui unirent certains cubistes avec le décor de leur enfance : Braque a fait parfois des paysages avec les falaises et Léger avec les fermes normandes , Yves Klein doit-il au ciel bleu son goût du monochrome ? La Raysse Beach est-elle née des spectacles de la Côte d’Azur ? C’est vraisemblable. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a au moins à Nice aujourd’hui, outre Yves Klein, qui continue Post mortem une carrière éblouissante, deux jeunes artistes qui font parler d’eux d’Amsterdam à Bienne, de Venise à Los Angeles, de Düsseldorf à New-York. Et à Paris donc on n’avait pas vu ça depuis le temps où Matisse travaillait à peindre des nus derrière les volets du beau rivage ou à découper des oiseaux et des fleurs et des femmes dans son atelier du Regina.

 

Pierre Descargues (Provence Côte d’Azur, Guide Dunlop)


 

Artistes associés

Marcel Alocco, Arman, Daniel Biga, Georges Brecht, Louis Cane, Max Cartier, Louis Chacallis, Max Charvolen, Albert Chubac, Erik Dietman, Noël Dolla, Jean-Claude Farhi, Robert Filliou, Roland Flexner, Paul Armand Gette, Claude Gilli, Vivien Isnard, Yves Klein, Serge Maccaferri, Robert Malaval, Jacques Martinez, Jean Mas, Bruno Mendonça, Martin Miguel, Nivèse, Serge III Oldenbourg, Bernard Pagès, Pierre Pinoncelli, Martial Raysse, Guy Rottier, Patrick Saytour, Sacha Sosno, Bernard Taride, André Valensi, Benjamin Vautier, Bernar Venet, André Verdet, Edmond Vernassa.

Artistes à rapprocher

Claude Viallat, arrivé à la fin des années 60 à Nice ; mais aussi César qui ouvre un atelier dans le vieux Nice.

Courant, mouvement, lieu à rapprocher
Livres d'art en vente