exposition de Marin Marie chez Le Goupy en 1927
Exposition de Marin Marie chez Le Goupy en 1927
Exposition
Gratuit
Aquarelle
Peinture

Des Voiles qu'on ne verra plus Marin Marie

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Vernissage
sam 18 juin 1927, 18:00

Adolphe Le Goupy
5 boulevard de la Madeleine
75001 Paris
France

Comment s'y rendre ?

L'exposition réunit un ensemble de 55 oeuvres de Marin Marie qui , à l'exception des numéros 18 / 19 / 41 / 45 / 52 / 55, sont vendues à l'issue de l'exposition, quand les numéros 16 et 17 semblent entrer dans la collection du Commandant Charcot. C'est à l'issue de cette exposition que Le Goupy prévoit de réaliser des reproductions en couleurs en fac simile des aquarelles et gouaches de Marin Marie.

 

Le propos de l'exposition est introduit par le Docteur Charcot dans le petit catalogue qui accompagne l'exposition.

 

"Il est difficile pour un marin de ne pas considérer les gâteaux comme des êtres vivants - les Anglais, d'ailleurs, peuple essentiellement maritime, n'ont-ils pas, créant ainsi une exception unique dans leur langue, donné aux navires le genre d'une personne ? - Tout naturellement c'est le genre féminin qui a été choisi, et le navire devint : "Elle".

 

"Elle !", mot prononcé avec admiration, tendresse, vénération, respect, avec amour ! Mot bien choisi puisque, tout en s'appliquant à une chose, il qualifie la beauté, le grâce, le souplesse, l'élégance, le caprice, le dévouement, que sais-je encore ? Toutes les qualités et les défauts de la femme, qui font que tantôt on l'aime, tantôt on la hait, mais que toujours on revient à l'adorer.

Ce sont les voiliers d'autrefois, les voiliers qu'on ne verra bientôt plus, qui ont valu aux navires cette situation exceptionnelle, privilégiée et méritée.

Comment peut-on mieux faire comprendre le beauté d'un trois-mâts toutes voiles dehors, rehaussant la nature qu'il orne de sa présence, qu'en le comparant à une femme belle et élégante, qui, calme et fière, sûre de son succès et de l'impression qu'elle produit, voit une foule indifférente jusqu'alors, peut-être même hostile, s'écarter devant elle en s'inclinant ravie, comme les vagues se laissant prendre par l'étrave de sa rivale.

Quel beau compliment pour une femme, si elle justifie la comparaison que d'être assimilée à une frégate courant devant une jolie brise ! Toutes les formes de la beauté et de la grâce féminines peuvent être comparées aux voiliers dans la variété de leur accastillage et de leur gréement, et les caractères eux-mêmes définis par la diversité de leurs allures.

Comme les femmes, les navires suivent les modes, et celles-ci sont ont subi de singulières transformations, dont beaucoup sont évidement dues au progrès de la technique, mais les autres sans autre prétexte que le goût du jour.

Par exemple, sans parler de la coque, si l'on demandait au navire pourquoi il portait ses mâts de flèche hier inclinés sur l'arrière, aujourd'hui "guindés" sur l'avant, il trouverait, soyez-en sûr, une bonne raison pratique, comme les femmes, pour affirmer les avantages incontestables qu'elles éprouvent à marcher sur des talons échasses, à avoir les épaules nues en hiver et à porter des fourrures en été.

L'assimilation du navire à l'être vivant n'est infirmée ni par le transformisme, ni par l'adaptation au milieu, dont les évolutions sont si faciles à suivre dans leur histoire comme dans celles des autres. Les formes, la voilure se modifient avec les conditions régionales de temps, de direction et de force de vents habituels, de mers, courte ou longue, avec aussi ce qu'on demande aux bateaux eux-mêmes. Les caravelles classiques, à voiles purement latines, nées dans la Méditerranée, se modifient et adoptent des voiles carrées en affrontant l'Océan aux grandes houles et aux vents lourds. La nécessité de pouvoir parcourir toutes les mers, l'obligation de réduire les plus possible l'équipage tout en conservant, en augmentant même la vitesse et la capacité des cales, entraîne à des fractionnements de voilures réparties sur des mâts plus nombreux, à des lignes de canne plus fines, à des progrès qui aboutissent à des merveilles fabriquées par la main des hommes mais imposées par la nature, tolérée par ses forces, au point qu'elles finissent par se confondre avec une de ses créations.

"La perfection n'est pas de ce monde" et c'est probablement parce qu'ils l'ont atteinte que les grands voiliers vont disparaître et qu'on ne les verra bientôt plus.

Marin Marie, avec un talent que je n'ai pas à qualifier, permettra aux jeunes, nés dans la poussière de charbon, les vapeurs de pétrole et le giclement de l'huile, de comprendre pourquoi le souvenir qu'il réveille en nous, qui les avons vénérés, est si doux et surtout si ému. Ainsi, devant le portrait d'une femme d'autrefois, aux cheveux poudrés, l'imagination cherche à retrouver dans l'émanation de cette beauté, tout ce qui en fut le charme et la puissance, les qualités, les défauts vite pardonnés, les aventures suscitées, les défaillances ressenties et les victoires remportées.

Marin Marie a vécu sur ces voiliers, il les d'autant mieux compris qu'il en fut partie intégrante. Les matelots sont à la fois les esclaves et les âmes de ces divinités de la mer, ils donnent la vie à leurs maîtresses, et elles, reconnaissantes, en font des hommes ; et ces dons réciproques sont précieux parce qu'en vérité ils émanent de la nature.

Si les voiliers, qui ne font qu'un avec leur équipage, ont bravé les tempêtes, ont dormi dans les grands calmes, ont parcouru les océans et fait reculer et s'évanouir les terreurs légendaires des tropiques et des glaces, ont permis à l'humanité de conquérir le monde, c'est uniquement en se servant de ces forces de la nature contre lesquelles ils devaient lutter.

Ainsi les circonstances favorables, ils se laissent doucement pousser, dociles mais sans fatigue, profitant de la force de ce vent qui se croit le maître ; de même, devant le mauvais vouloir des éléments, ils semblent encore se plier, alors qu'ils lui opposent leur volonté ; ils diminuent de voilure comme s'ils abandonnaient la lutte, jusqu'à ce que l'humeur soit redevenue meilleure, ou encore, semblant se résigner, ils louvoient, prenant le vent tantôt d'un bord, tantôt de l'autre, gagnant imperceptiblement du chemin à chaque changement de Roure, et ainsi, souples et déférents en apparence, toujours ils finissent par attendre leur but, comme celles dont on a si justement dit : "Ce que femme veut, Dieu le veut !..."

Si les navires avaient toujours été à vapeur, je ne crois pas que les anglais, peuple imbu de la grandeur et de la poésie de la Mer, leur auraient donné le genre féminin. Les voiliers d'autrefois, ceux que nous ne verrons plus, sortaient victorieux de la lite par la ruse, la douceur et la souplesse ; les vapeurs, comme les mâles, sortent vainqueurs par la force brutale et violente. Les voiliers - les navires-femmes - ne pouvaient être conduits que par des hommes ; mais les autres, les mâles, pourront être bientôt, comme nous, menés par les femmes."

 

J-B. CHARCOT.

 

Sont présent au catalogue...

Aquarelles et gouaches

1. Goélette franche et quatre-mâts-barque encalminés / 2. Le "Boiëldieu" à l'appareillage / 3. "Les-trois-cousins", brick / 4. Thonier et trois-mâts-barque / 5. Trois-mâts-goélette dans la Tamise / 6. Au plus Prus dans la Mer du Nord / 7. Au lage de Stornoway (Hébrides) / 8. Sur les bancs de Flandre / 9. Land's End, sortie de la Manche / 10. Un cinq-mâts-barque allemand / 11. Cinq-mâts latin dans la brume / 12. Quatre-mâts latin / 13. Quatre-mâts carré / 14. Trois-mâts-carré / 15. la France / 16. Le Pouquooi-Pas ? au Scoresby Sund (Groënland) / 17. A la lisière de la banquise / 18. Sous Lille Dimon (Foeroë) / 19. En mer d'Islande / 20. Plein vent arrière : l' "Ailée" et un carré / 21. Trois-mâts sous les bonnettes / 22. A la dérive sous la pluie / 23. Le premier coup de tonnerre / 24 et 25. Les cruisers sous le grain / 26. En route malgré le temps / 27. Dans l'Atlantique / 28. A ranger les dangers / 29. En panne pour prendre son pilote / 30. Pilote de Flessingue / 31. Le soleil dans la hune / 32. Le calme blanc / 33. Les bateaux qui passent / 34. A l'embouchure de l'Escaut / 35. Long-courrier rose / 36. Vieux courrier anglais / 37. Trois-mâts-barque / 38. Les voiles immobiles / 39. Plein midi / 40. Flying Dutchman / 41. Goélette / 42 et 43. Yachts / 44. Sur la Tyne / 45. Devant la dette Jan Mayen (arctique) / 46. Deux barques relâchant de conserve / 47. Le bateau-feu / 48. Ling-courrier sous un largue / 49. Remorqueur convoyant un voilier / 50. Caboteur croisant la route d'un navire / 51. Soudain, sur la mer, une apparition blanche (Farrère, bataille des Falkland) / 52 Peut-être y a-t-il dans ces maisons... le silence du cloître (Balzac, Eugénie Grandet) / 53. As she Took it in o'er the head, solidaire green it pas... (Orly Roberts, Salts of the sea) / 54. Saint-Servan / 55. Saint-Jean-de-Luz.