HYPERSENSIBILTÉ FLORYAN VARENNES
Renvoyant aux sens ou aux émotions, l’hypersensibilité fait référence à des états extrêmes du corps – qu’ils soient positifs ou négatifs –, une intensité retrouvée dans les œuvres de Floryan Varennes, faites de contrastes entre des matières, des formes et des concepts. Pour l’artiste qui a choisi de nommer Hypersensibilité sa première exposition personnelle à la Maëlle Galerie, cet état est surtout et avant tout une ouverture vers les autres, permise par une réceptivité exacerbée et mise au service de la compassion et de l’entraide. C’est ainsi que la Matriarche nous accueille dans l’exposition, entité futuriste en suspension dans l’espace, dont l’air menaçant n’a d’égal que son rôle tutélaire : assemblage de PVC et d’instruments médicaux, elle évoque aussi les formes d’une armure médiévale rivetée. Déesse du care, la Matriarche est à la fois curative et protectrice : elle veille sur nous.
Mais si le soin – au sens médical – et prendre soin – de l’autre comme de soi-même – sont au centre des préoccupations de Floryan Varennes, c’est sans oublier la dimension de fragilité que recouvrent ces notions. La vulnérabilité précède en effet la cure et la protection, et les actions de (se) soigner comme de (se) protéger peuvent fléchir à tout instant si les conditions de leur réalisation ne sont pas réunies. L’artiste rend manifeste cette fragilité inhérente au care en utilisant des matériaux transparents comme le polymère et surtout le verre, qu’il emploie dans une série d’armes d’inspiration médiévale : Flirt, Assag, Fin’amore et Oblivion. Évocations d’une succession d’états amoureux, allant de la rencontre à la rupture, il rend ainsi compte de la force du sentiment qui vous assaille, vous transperce, vous écorche et vous assomme, mais aussi de sa précarité, le verre pouvant à tout moment être brisé comme le pourrait être un cœur.
Inspiré par un Moyen Âge courtois et martial, et happé par un futur proche techno-médical, Floryan Varennes esquisse les potentialités d’une ère à venir. Une ère qui porterait la sollicitude en étendards, ceux de Sursum corda, parade de bannières à trame iridescente qui se déploie depuis le sol dans un mouvement ascendant. Chef d’une guerre sans violence,l’artiste nous guide avec ardeur dans cette élévation symbolique, celle de notre cœur, en accord avec lui-même comme avec celui des autres : il nous montre qu’un autre monde est possible, qu’un autre monde est sensible.
Naviguant entre fantasy et science-fiction, il donne forme à cette utopie dans Mirari : une vie retrouvée, vidéo dans laquelle il se représente en avatar elfique, dormant paisiblement dans un paysage de cendres, le corps nu, une armure de verre comme unique protection. Seul et vulnérable dans l’infini numérique, sa voix métallique scande un psaume qui invite à l’introspection, à l’acceptation des sensations et des émotions, à leur sublimation. On saisit alors la dimension autoportraitique de l’œuvre : derrière la virtualité de la scène, l’artiste lève en réalité le voile sur sa poïesis mue par l’hypersensibilité, un mouvement de soi vers les autres. Il donne à voir et à ressentir les possibles permis par l’état hypersensible, qu’il célèbre dans cette exposition comme une urgence salvatrice de notre humanité. « Enlace-toi de ces entrailles. Cette forteresse infinie : c’est pour toi ». Kevin Bideaux